J'ai lu Poète à New York quand j'avais treize ans. Il m'a frappée comme une foudre. En ce moment-là, j'avais lu la poésie qu'on peut trouver dans les manuels scolaires. Il s'agissait d'une poésie pensée pour les enfants, une poésie dont on peut dire que le but le plus important était de faire rimer. Les mots étaient précieux, le ton était toujours digne et l'ensemble -qui peut en douter- il était toujours beau. Ces poèmes sonnaient bien, comme une chanson, comme une berceuse. Ils parlaient à notre âme, à nos sentiments et quand nous les avions lus, nous nous sentions mieux.
Mais les poèmes de Lorca n'étaient pas comme ceux que j'avais lus avant. Il n'y avait pas de rime, il n'y avait pas de beaux mots, il n'y avait pas de dignité. Les mots étaient laids, les images étaient dégoûtantes, il n'y avait pas de ton digne. Les mots voulaient frapper, les vers voulaient déplaire. L'auteur voulait que le lecteur se sente mal à l'aise, qu'il ferme le livre en sentant de l'angoisse, l'auteur voulait voir le lecteur souffrant. Et tout cela, c'est ce que j'ai senti en lisant ce livre.
Mais aussi, j'ai découvert avec lui des images comme je ne les avais jamais vues : surprenantes, effrayantes, mais aussi extraordinaires. Et il a été comme une révélation. J'ai compris que la poésie n'a rien à voir avec les beaux mots et les rimes, que la poésie est quelque chose qui frappe, qui arrête, qui, au lieu de donner du bonheur, il donne de la douleur. Avec ce livre, j'ai découvert toute la poésie et je pense aujourd'hui que, peut-être, j'ai découvert toute la littérature. Ensuite, Lorca m'a conduit aux symbolistes français : Baudelaire, Rimbaud, Verlaine… C'est comme cela que j'ai appris qu'il y avait une poésie maudite, tout un royaume des enfers attendant que je le lise. Et l'amour pour cette oeuvre de Lorca ne m'a jamais abandonnée. Il continue à être mon livre préféré de cet auteur et l'un de mes livres préférés de poésie de tous le temps.


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